De la philosophie aux sciences positives : le mythe de l’émancipation (par P. Dupouey)

Atelier « L’idée de science » (2e année) 2014-2015

Séance du 22 novembre  2014 : argument et texte intégral

10h à 12h30 au CAPHES 29 rue dUlm 75005 Paris

De la philosophie aux sciences positives :
le mythe de l’émancipation

par Patrick Dupouey (1)

C’est un lieu commun de l’histoire des sciences, comme de la philosophie, que les premières n’auraient commencé d’exister qu’en se séparant de la seconde. Le récit de cette rupture – qu’on la regarde comme salutaire ou au contraire comme désastreuse – s’autorise fréquemment d’une référence à Auguste Comte et à la fameuse loi « des trois états ». Au prix d’une identification de la philosophie au stade métaphysique, cette histoire devient – au point de vue des sciences – celle d’une glorieuse guerre de libération. Il ne manque pas d’exemples pour valider ce récit, qui ne peut pas ne pas contenir, comme tout mythe, quelque part de vérité.

Le point de vue de la philosophie est plus nuancé. Il n’est sans doute pas un philosophe qui n’ait affronté la tâche de penser cette séparation, mais les appréciations ont considérablement varié. On ne pourra bien sûr les considérer toutes, mais on s’intéressera à quelques-unes, notamment à celles qui proposent des variations sur le thème cartésien de l’arbre du savoir (Lettre-préface des Principes de la philosophie). L’image se retrouve chez Husserl, mais aussi chez Comte, qu’on interrogera plus spécialement.

Il est clair qu’un récit de séparation ne peut se dispenser de préciser d’une part en quoi consistait l’unité primitive, d’autre part ce qu’il en est des identités respectives issues du divorce. On ne saurait valider l’idée d’une philosophie et d’une science autrefois réunies, mais dont la nature demeurerait la même une fois la désunion consommée, chacune n’ayant plus qu’à vivre, de son côté, d’une existence enfin conforme à son essence de toujours.

En présentant le stade métaphysique du développement de l’esprit comme « une simple modification » du théologique, Auguste Comte corrobore effectivement l’idée que la science devrait se définir par opposition à la métaphysique. Mais premièrement, il y a loin, dans l’esprit de Comte, de la métaphysique à la philosophie. Ensuite, quelque secondaire qu’il apparaisse dans les premières leçons du Cours, le métaphysique (plutôt que la métaphysique) s’avère, lorsqu’on pousse un peu au-delà, nettement plus riche et complexe.

Quant à ce que Comte appelle philosophie, le bilan général qu’il tire dans la 58e Leçon du Cours (« équivalent spontané du Discours initial de Descartes sur la méthode ») interdit de la présenter comme ce que l’âge positif autoriserait à reléguer au musée des errements de l’intelligence humaine.

Si j’en ai le temps, j’aimerais tirer de ces réflexions quelques conclusions sur les situations respectives des sciences et de la philosophie, ainsi que sur l’enseignement de cette dernière.

 

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1 – Professeur en classe de Première supérieure au lycée Pierre de Fermat Toulouse.

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