L’idée de science en médecine (par G. Barroux)

Atelier L’idée de science (2e année, 2014-2015)

animé par Jacques Doly et Jean-Michel Muglioni

Séance du 30 mai 2015 : argument et texte intégral

10h à 12h30 au CAPHES 29 rue dUlm 75005 Paris, salle Langevin (1er étage gauche)

L’idée de science en médecine.
Faire de la maladie un objet de science.
par Gilles Barroux (1)

Poser la question de ce que représente l’idée de science en médecine pourrait paraître très académique, voire loin des préoccupations pratiques qui unissent quotidiennement le sort des médecins et de leurs patients, loin aussi des questionnements propres aux chercheurs dans leurs laboratoires. On renverrait cette interrogation à un passé lointain – la médecine : art ou science ? – qui aurait perdu toute sa pertinence de nos jours. S’impose l’idée générale qu’après avoir fait la preuve d’autant d’innovations, de découvertes, d’hypothèses, peut-on encore avoir le moindre doute quant à la valeur scientifique de la médecine ? Mais cette interrogation quant à ce que signifie et implique l’idée de science en médecine, dépend, bien entendu de ceux qui la formulent : médecins, biologistes, philosophes, juristes, etc.

Vouloir évoquer scrupuleusement tous les aspects relatifs à l’idée de science en médecine nécessiterait, comme on peut s’en douter, bien plus d’une séance. Plutôt que d’égrener une série de thèmes et de dimensions, nous avons préféré décliner l’évolution de cette idée de science en médecine à partir d’un problème qui est encore fortement d’actualité, à l’intersection de la médecine, de la science et de la philosophie : celui des classifications des maladies et des critères à partir desquels s’édifie une telle entreprise. Il s’agira d’examiner comment, à travers cet exemple fécond des classifications, la médecine fait de la maladie un objet de science.

Après avoir évoqué ce que recouvre, originairement, l’émergence d’une rationalité médicale, nous examinerons comment une préoccupation visant à répertorier et à définir les maladies est mise en œuvre dès la tradition hippocratique (VIe-Ve siècle avant notre ère). Ensuite nous évoquerons les dimensions scientifique et philosophique des grandes nosologies et les raisons pour lesquelles c’est plus particulièrement à partir du XVIIIe siècle qu’elles voient le jour. Nous proposerons une hypothèse : c’est durant cette période que se formule, à travers l’entreprise nosologique, de manière critique, une certaine idée de science en médecine dans la mesure où de telles réalisations tendent à conférer à la médecine un statut de science à part entière. Enfin, nous nous interrogerons sur les enjeux généraux relatifs à de telles entreprises à la lumière des classifications contemporaines dont l’un des derniers exemples en date, en psychiatrie – le DSM 5 – fait couler beaucoup d’encre.

 

Bibliographie :

Claude Bernard, Introduction à la médecine expérimentale, avec une préface et des notes par Maurice Dorolle, Paris, Delagrave, 1978, Reprod. en fac-sim. de l’éd. de Paris, J.-B. Baillière et fils, 1865

François Boissier de Sauvages, Nosologie méthodique, trad. de la dernière édition latine par M. Gouvion, a joint à cet ouvrage : Carl von Linné : Genera morborum, avec la traduction française à côté, Lyon, J.-M. Bruyset, 1772

Georges Canguilhem, La santé : concept vulgaire et question philosophique, éd. Sables, 1990

François Dagognet, Le catalogue de la vie, éd. PUF Quadrige, 1970

Dictionnaire des sciences médicales, par une société de médecins et de chirurgiens, édition de Panckoucke, Paris 1819, articles « Nosographie »

Anne Fagot-Largeault, « Histoire des classifications en santé », dans Enjeux des classifications internationales en santé, éd. G. Pavillon, INSERM, 1998

Mirko Grmek, Savoir et pouvoir en médecine, Conférence de Pérouse, 1985

Philippe Pinel, Nosographie philosophique ou la méthode de l’analyse appliquée à la Médecine, 2° édition, 1802 – Nosographie philosophique ou la méthode de l’analyse appliquée à la médecine, Paris, J. A. Brosson, 1810, reproduit sous forme de document électronique par la B.N.F., 1995

Préambule à la Constitution de l’Organisation mondiale de la Santé, tel qu’adopté par la Conférence internationale sur la Santé, New York, 19-22 juin 1946

Jacques Roger, Pour une histoire des sciences à part entière, Paris, Albin Michel, 1995

Curt Sprengel, Histoire de la médecine depuis son origine jusqu’au dix-neuvième siècle, trad. de l’allemand par A. J. L. Jourdan, Paris, Édouard-François-Marie Bosquillon, 2° éd., 1815-1820

Thomas Sydenham, Médecine pratique, avec des notes, trad. de la dernière édition anglaise par M. A. F. Jault, Docteur en Médecine, et Professeur au Collège Royal, Montpellier, Picot, 1816.

 

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1 – Professeur en classes préparatoires aux Grandes écoles au lycée Henri Moissan de Meaux, docteur en philosophie, directeur de programme au Collège international de philosophie.

 

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L’idée de sciences de la nature (par A. Chauve)

Atelier « L’idée de science » (2e année) 2014-2015

Séance du 24 janvier 2015 : argument

10h à 12h30 au CAPHES 29 rue dUlm 75005 Paris

L’idée de sciences de la nature
par Alain Chauve (1)

Si l’expression « sciences de la nature » a un sens, il faut bien qu’elle corresponde à une idée. Les sciences de la nature présupposeraient donc une certaine idée de ce qu’est la nature en tant qu’elle est l’objet de sciences.

On est alors amené à se poser deux questions. D’abord, quelle serait cette idée ? Et ensuite, peut-on aller jusqu’à dire que des sciences qui veulent être des sciences de la nature sont fondées sur cette idée ? Si c’était le cas, il faudrait admettre que l’idée de sciences de la nature est une idée métaphysique. Par voie de conséquence, le caractère scientifique des sciences de la nature deviendrait problématique. Le rôle fondamental de l’observation dans ces sciences et l’idée qui serait leur fondement entreraient en contradiction et poseraient un problème insoluble.

1 –  Professeur de première supérieure, inspecteur pédagogique régional

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De la philosophie aux sciences positives : le mythe de l’émancipation (par P. Dupouey)

Atelier « L’idée de science » (2e année) 2014-2015

Séance du 22 novembre  2014 : argument et texte intégral

10h à 12h30 au CAPHES 29 rue dUlm 75005 Paris

De la philosophie aux sciences positives :
le mythe de l’émancipation

par Patrick Dupouey (1)

C’est un lieu commun de l’histoire des sciences, comme de la philosophie, que les premières n’auraient commencé d’exister qu’en se séparant de la seconde. Le récit de cette rupture – qu’on la regarde comme salutaire ou au contraire comme désastreuse – s’autorise fréquemment d’une référence à Auguste Comte et à la fameuse loi « des trois états ». Au prix d’une identification de la philosophie au stade métaphysique, cette histoire devient – au point de vue des sciences – celle d’une glorieuse guerre de libération. Il ne manque pas d’exemples pour valider ce récit, qui ne peut pas ne pas contenir, comme tout mythe, quelque part de vérité.

Le point de vue de la philosophie est plus nuancé. Il n’est sans doute pas un philosophe qui n’ait affronté la tâche de penser cette séparation, mais les appréciations ont considérablement varié. On ne pourra bien sûr les considérer toutes, mais on s’intéressera à quelques-unes, notamment à celles qui proposent des variations sur le thème cartésien de l’arbre du savoir (Lettre-préface des Principes de la philosophie). L’image se retrouve chez Husserl, mais aussi chez Comte, qu’on interrogera plus spécialement.

Il est clair qu’un récit de séparation ne peut se dispenser de préciser d’une part en quoi consistait l’unité primitive, d’autre part ce qu’il en est des identités respectives issues du divorce. On ne saurait valider l’idée d’une philosophie et d’une science autrefois réunies, mais dont la nature demeurerait la même une fois la désunion consommée, chacune n’ayant plus qu’à vivre, de son côté, d’une existence enfin conforme à son essence de toujours.

En présentant le stade métaphysique du développement de l’esprit comme « une simple modification » du théologique, Auguste Comte corrobore effectivement l’idée que la science devrait se définir par opposition à la métaphysique. Mais premièrement, il y a loin, dans l’esprit de Comte, de la métaphysique à la philosophie. Ensuite, quelque secondaire qu’il apparaisse dans les premières leçons du Cours, le métaphysique (plutôt que la métaphysique) s’avère, lorsqu’on pousse un peu au-delà, nettement plus riche et complexe.

Quant à ce que Comte appelle philosophie, le bilan général qu’il tire dans la 58e Leçon du Cours (« équivalent spontané du Discours initial de Descartes sur la méthode ») interdit de la présenter comme ce que l’âge positif autoriserait à reléguer au musée des errements de l’intelligence humaine.

Si j’en ai le temps, j’aimerais tirer de ces réflexions quelques conclusions sur les situations respectives des sciences et de la philosophie, ainsi que sur l’enseignement de cette dernière.

 

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1 – Professeur en classe de Première supérieure au lycée Pierre de Fermat Toulouse.

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Atelier « L’idée de science » 2e année. Programme et calendrier

Atelier « L’idée de science », année 2014-2015

Responsables : Jean-Michel Muglioni et Jacques Doly

 

L’atelier L’idée de science a poursuivi son travail au cours de l’année 2014-2015 (1).  Le thème retenu appelle une réflexion qui ne se réduise pas à une simple description des méthodes particulières de telle ou telle science puisqu’il propose une mise en perspective philosophique de l’idée même de science. Il reste que la plus grande diversité des sujets choisis est admise parce qu’elle est philosophiquement nécessaire. Il sera évidemment possible de participer aux séances de l’atelier et d’y intervenir sans avoir nécessairement proposé une communication (2).

Pour 2014-2015, trois séances ont eu lieu  le samedi de 10h à 12h30 au CAPHES 29 rue dUlm 75005 Paris.

1 –  22 novembre 2014, Patrick DUPOUEY, professeur en classe de Première supérieure au lycée Pierre de Fermat Toulouse: « De la philosophie aux sciences positives : le mythe de l’émancipation ». Voir l’argument et télécharger le texte intégral de l’exposé.

2 – 24 janvier 2015, Alain CHAUVE, professeur de Première supérieure, inspecteur pédagogique régional : « L’idée de sciences de la nature ». Voir l’argument et télécharger le texte intégral de l’exposé.

3 – 30 mai 2015, Gilles BARROUX, professeur en classes préparatoires aux Grandes écoles au lycée Henri Moissan de Meaux, docteur en philosophie, directeur de programme au Collège international de philosophie : « L’idée de science en médecine ». Voir l’argument et télécharger le texte intégral de l’exposé.

contact : atelier.ideedescience(arobase)sofrphilo.fr

 

1 – Voir le programme et les travaux de l’année 2013-2014.

2 – Conditions générales d’accès. L’accès aux séances est libre pour tous les adhérents de la SFP, dans la limite des places disponibles. Toutefois, la salle étant d’une capacité limitée, il est préférable de prendre contact préalablement avec les responsables de l’atelier. Les non-adhérents peuvent également y participer avec l’accord des responsables de l’atelier : merci de prendre contact préalablement par mél.

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