Atelier « Littérature et philosophie », 2023-2024,
animé par Jacques Doly et Jean-Michel Muglioni
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Alain Champseix, Lycée Maurice Genevoix, Ingré (Loiret)
Littérature, philosophie, vie et vérité
Samedi 18 novembre 2023
Il n’y a ni littérature ni philosophie sans rapport à la vérité, sauf à penser que la première n’est jamais qu’une distraction. Mais, si tel était le cas, elle n’instruirait pas. Le penser, cependant, est une chose, le comprendre une autre car ce qui est ainsi en jeu avec une telle idée n’est pas seulement le rapport entre ces deux activités humaines mais la nature même de la vérité. Qu’est-elle si elle peut être abordée soit par le concept soit par l’imagination ? Il est possible d’estimer que le paragraphe 51 de la Critique de la faculté de juger (du début jusqu’aux premières lignes du point n° 2) de Kant peut nous aider à y voir plus clair sur ce point tant il montre que l’imagination peut contribuer à enrichir l’entendement sans même chercher à le vouloir. Seulement, cette thèse a sa contrepartie : si l’imagination n’est pas étrangère au concept, c’est que ce dernier, en retour, ne saurait se réduire à la représentation que l’on s’en fait souvent : le résultat d’un goût quelque peu immodéré pour l’abstraction et, finalement, une fuite devant le réel. Il y aurait d’un côté la littérature vivante et, de l’autre, la philosophie altière et éthérée ; la vérité, finalement, étant plutôt du côté de la première. A l’appui, on cite souvent certains écrivains éminents : « Toute théorie est grise, mais vert florissant est l’arbre de la vie. » dans le Faust de Goethe ou « Il y a plus de choses au ciel et sur la terre, Horatio, que dans toute votre philosophie » dans l’Hamlet de Shakespeare. En réalité, il est possible de penser autrement comme peuvent le montrer des lectures plus attentives du philosophe allemand ou de ce poète français que fut Mallarmé [Jules Huret, Enquête sur l’évolution des courants littéraires, in chapitre « Symbolistes et décadents ». Entretien avec Stéphane Mallarmé] : par le langage, le concept, qu’il soit abordé par la philosophie ou par la littérature, n’est jamais coupé de la vie. Encore faudra-t-il tâcher de préciser le sens de cette dernière notion.