J.-M. Muglioni : contribution au débat sur l’exposé de M. Grimaldi

Jean-Michel Muglioni :
contribution au débat sur l’exposé de Muriel Grimaldi
Monde et environnement

Le propos de Muriel Grimaldi a mis l’accent sur la nécessité de prendre des mesures pour préserver l’avenir de la planète – et je ne remets pas en cause l’idée qu’il faut dans cette perspective tenir compte des plus petites choses, ni même l’avertissement qui nous a été finalement donné, que sans cela nous courrions à la catastrophe. Mon intervention a porté seulement sur l’usage qui a été fait des probabilités et sur celui de ce que les mathématiciens appellent la théorie du chaos

1/ Lorsqu’on dit que les chances d’avoir un accident d’avion sont de x/100, le calcul porte sur le rapport entre le nombre total d’heures de vol effectuées par des avions dans le monde et le vol qu’on va effectuer. De même que si l’on dit qu’il ya une chance sur six de tirer le six au dé, c’est qu’on ne peut tirer qu’une des six faces du dé. Si maintenant on dit que le scénario catastrophique (en cas de réchauffement climatique) est de 50/100, on fait un autre usage des probabilités : j’ai seulement voulu dire que comparer ces deux usages n’avait pas de sens. On ne peut pas dire que nous devons prendre en compte un scénario qui a une chance sur deux de se produire parce qu’on ne prendrait pas un avion qui a une chance sur deux de tomber en vol. Par contre on peut dire qu’il faut tout de même prendre en compte ce scénario ! Mais pour une autre raison.

2/ La théorie du chaos est une théorie mathématique qui n’est pas plus catastrophiste que la théorie des irrationnels n’est irrationnelle.
Alogos ou irrationnel au sens le plus restreint veut dire incalculable et en l’occurrence incommensurable à l’unité, ce qui n’exclut pas une autre forme de calcul. Aucune irrationalité n’est donc introduite par là dans les mathématiques. Au contraire, la théorie des irrationnels permet de calculer les racines carrées quelles qu’elles soient.

La théorie du chaos avance dans le même ordre de problème et découvre un nouvel « incalculable », objet mathématique parfaitement rationnel, et la première erreur serait d’entendre « incalculable » en un sens seulement quantitatif (tellement grand qu’on ne peut le calculer). La seconde vient non seulement de l’usage métaphorique qui est fait du terme de chaos (car si c’était réellement et en soi chaotique, ce ne serait pas un objet mathématique) mais de l’image utilisée par Lorenz en 1972, je crois, celle de l’aile de papillon qui du Brésil provoquerait une tornade au Japon, ce que Madame Grimaldi a interprété comme une remise en cause du principe de causalité (une toute petite cause pouvant produire de grands effets et même des catastrophes planétaires). Lorenz envisageait la complexité de phénomènes où concourent une infinité d’ailes de papillons (ce qui est d’abord pour nous le plus grand désordre et incalculable) que la théorie mathématique du chaos permet de maîtriser et rend donc calculables. Le problème est mathématique et ne concerne pas la causalité.

Chaos ici ne signifie pas catastrophe mais désordre, au sens où par exemple planète en grec signifie astre errant, désordre cosmique. Mais de même que la révolution copernicienne a trouvé ce qui permettait de ramener ce désordre à l’ordre, la théorie du chaos permet de trouver un ordre là où il y d’abord pour nous un désordre. Dans son application à la physique, cette théorie mathématique n’est pas une régression dans la détermination d’un ordre des phénomènes mais un progrès…

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