Atelier « L’idée de science » 3e année,
animé par Jacques Doly et Jean-Michel Muglioni
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L’idée d’une science de l’homme dans la philosophie kantienne
argument et texte intégral
Séance du 28 mai 2016, salle du Caphés 29 rue d’Ulm, 10h-12h30
Gilles Blanc-Brude, professeur au lycée Georges Clemenceau, Reims, docteur en philosophie
Qu’y a-t-il à connaître de l’homme ? La connaissance de l’homme peut-elle prétendre au rang de science ? Dans la philosophie de Kant, cette question devient : de quel droit une anthropologie écrite d’un point de vue pragmatique peut-elle y prétendre ? Kant présente en effet son Anthropologie du point de vue pragmatique (1798) comme une théorie systématique et, à ce titre, comme une science. Or, au vu de la facture de l’œuvre, qui ne rend jamais raison de ses divisions, une telle prétention a de quoi déconcerter. J’ai voulu chercher ce qui pouvait la rendre légitime.
Il faut au préalable distinguer plusieurs degrés de systématicité : celui d’une science descriptive (Naturbeschreibung) qui connçoit les phénomènes par leurs caractères ; celui d’une science de la nature (Naturwissenschaft) qui discerne les lois mathématiques de leurs variations ; celui enfin d’une métaphysique et d’une philosophie transcendantale (Wissenschaft) qui veulent comprendre en leur nécessité l’unité de ces lois et les limites du savoir. Ce dernier degré relève de l’idée antique de science, les deux premiers de l’idée moderne que nous nous en faisons.
L’anthropologie de Kant, qui se démarque délibérément de la perspective objectivante et mathématique de la Naturwissenschaft, est-elle simplement science au sens le plus faible d’une description et d’un classement empirique des phénomènes humains ? Ou l’est-elle aussi au sens le plus exigeant, et antique, d’une théorie ou d’une pensée comprenant la nécessité de sa forme ? Mériterait-elle alors le titre paradoxal de « science métaphysique de l’homme » ?
Je préciserai d’abord le rapport entre l’anthropologie pragmatique et les sciences de la nature, en considérant en particulier les apories d’une connaissance scientifique de l’intériorité qu’expose la Préface des Premiers principes métaphysiques de la science de la nature (1786).
Je me demanderai ensuite dans quelle mesure l’anthropologie kantienne, étant donné la difficulté de lui reconnaître une forme systématique rigoureuse, peut être assimilée à une histoire naturelle ou à une science humaine, en étudiant la Préface de 1798.
Enfin, sur la base des indices donnés par l’Architectonique de la raison pure, j’examinerai l’affinité entre la critique et l’anthropologie, en cherchant en quoi la première « ordonne et dirige » la seconde. Il sera question des échafaudages qui ont dû servir à l’édifier (lecture « scolastique »), puis des fins essentielles de la raison pouvant lui donner une unité systématique propre (lecture « cosmique »).
Indications bibliographiques
- R. Brandt, Kritischer Kommentar zu Kants Anthropologie in pragmatischer Hinsicht (1798), Meiner, 1998
- R. Brandt, W. Stark, Vorlesungen über Anthropologie. Kant’s Vorlesungen, bd. XXV, hrsg. von der Akademie der Wissenschaften zu Göttingen, de Gruyter, 1997
- M. Foucault, Introduction à l’Anthropologie de Kant. Anthropologie du point de vue pragmatique, Vrin, 2008
- Y.-J. Harder, « Tout le monde », Les Cahiers philosophiques de Strasbourg, PUS, 25/2009, p. 15 s.
- N. Hinske, Kants Idee der Anthropologie. Die Frage nach dem Menschen, K. Alber, 1966, p. 410 s.
- G. Lebrun, Kant et la fin de la métaphysique : essai sur la Critique de la faculté de juger, LGF, 2003
- W. Stark, Historical Notes and Interpretive Questions about Kant’s Lectures on Anthropology, Essays on Kant’s Anthropology, Cambridge UP, 2003, p. 15 s.
- F. Weber, Brève histoire de l’anthropologie, Flammarion, 2015
- é. Weil, Problèmes kantiens, Vrin, 1990
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