Muriel Grimaldi :
contribution au débat qui a suivi son propre exposé
Monde et environnement
Je remercie Yvette Veyret de sa synthèse si éclairante sur le problème de la temporalité et, en particulier
- sur le hiatus entre les temps longs de la planète et le temps finalement si bref des sociétés humaines
- sur cette difficulté à infléchir le court terme de la décision économico politique vers la vision à moyen et à long terme qui permettrait de préserver l’avenir
Les défauts de mon exposé tiennent pour l’essentiel au choix que j’ai fait d’éclairer les intrications des multiples systèmes qui constituent la machinerie climatique.
Schématiquement,
- s’il y a lieu de craindre les effets des GES, c’est aussi parce que la paléoclimatologie nous enseigne qu’il n’y aurait pas eu de glaciations… sans les cyanobactéries.
- si la fonte d’un glacier continental peut favoriser une éruption volcanique dont on sait de mémoire récente qu’elle a perturbé durablement transports et communications, alors on conçoit que la fonte des cathrates d’hydrate de méthane en Arctique puisse constituer une véritable « bombe climatique ».
C’est sans doute contestable et pourtant il faut bien en passer par là si l’on veut rompre – et la synthèse d’Yvette Veyret en porte témoignage – avec ce clivage essentialiste entre forçages naturels et forçages anthropiques, les premiers étant supposés inévitables et les seconds, aisément révisables.
Merci aussi à Jean-Michel Muglioni pour ses remarques qui appelleraient à elles seules un second exposé…
Brièvement,
- sur l’usage indu que j’aurais fait des probabilités, je me suis mal exprimée. Replaçons les choses dans leur contexte. Vincent Courtillot, éminent représentant des climato- sceptiques, adresse finalement au GIEC un seul reproche majeur : avoir prétendu que la probabilité d’un réchauffement anthropogénique serait de 90/100 alors que, selon lui, elle ne serait que de 50/100.
Sachant qu’un changement climatique anthropogénique, parce qu’il se produira à un rythme exceptionnellement rapide, ne pourra pas ne pas avoir d’effets catastrophiques, j’ai demandé si nous accepterions de monter dans un avion ayant une probabilité de 50/100 – soit effectivement une chance sur deux – d’avoir un accident. Comme nous sommes effectivement embarqués sur le vaisseau Terre et que, dans l’hypothèse la plus optimiste, il y a une chance sur deux d’entrer dans la déstabilisation climatique globale, il est temps de sortir de cette polémique stérile et de porter l’effort de réflexion sur ce qu’il convient de faire.
- S’agissant de la théorie du chaos, deux remarques :
1° Je ne remets évidemment pas en cause le principe de causalité mais le causalisme, c’est-à-dire le double postulat de l’unicité de la cause et de la proportionnalité de l’effet à la cause.
2° Il ne me paraît pas que la théorie du chaos soit exclusivement mathématique. Sans revenir sur la question des jugements synthétiques a priori, si nous admettons que les sciences naturelles sont les sciences du réel, que les sciences physiques sont celles du possible, celui-ci incluant celui-là, et qu’enfin les sciences mathématiques sont celles du concevable, lui-même incluant le possible, il me semble qu’il n’y a pas lieu d’établir un tel clivage entre physique et mathématiques. C’est cette double inclusion qui me paraît rendre compte, par exemple, de ce que la théorie des groupes se soit révélée pertinente pour appréhender l’évolution de certains amas stellaires.
Ceci dit, la théorie du chaos rend compte de l’évolution erratique de certains systèmes dynamiques réels qui présentent toujours les deux caractères typiques :
- sensibilité aux conditions initiales
- existence de rétroactions
Au demeurant Ilya Prigogine utilise bien l’expression « systèmes chaotiques » pour qualifier des systèmes physiques et nous invite expressément à modifier notre vision du réel.
Mais ce dernier point réclamerait à lui seul une réflexion approfondie.
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